Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lou comme Lou
7 septembre 2010

Le goût des autres Jacques André Bertrand dresse

Le goût des autres

Jacques André Bertrand dresse le portrait de vingt types. Parmi eux : le con, le psychorigide, l’enthousiaste. Si vous saviez à quel point j’aurais aimé tous vous les citer, tant on se régale à la lecture de ce traité, et surtout tant que ces autres ne sont pas nous, pas même un de nos amis ?... Le con est décliné en petit, grand et gros. Le psychorigide est « un bonhomme de neige, le moindre réchauffement lui serait fatal ». Quant à l’enthousiaste, le plus agaçant à mes yeux, il est reconnaissable à « sa démarche sautillante » et son « étonnement perpétuel ». L’auteur maitrise la langue brillamment, avec humour, sans arrogance, ni moquerie. Il décortique avec malice les traits des autres, sans les caricaturer. Citons deux de ses précédents ouvrages, « J’aime pas les autres » et « Les sales bêtes ». On ne peut que comprendre l’attention et l’affection que Jacques André Bertrand a pour la race humaine et ma foi, animale.

« Les autres, c’est rien que des sales types » Jacques André Bertrand Ed. Julliard 140 pages

Le goût de la quête

Ce livre ne me quittera pas, un chef d’œuvre, un compagnon qui rend hommage aux écrivains, celui qui me convainc de la nécessité de la littérature. Le récit de Carlos Liscano est poignant et terriblement bouleversant. L’auteur raconte l’échappatoire qui lui a permis d’éviter la folie ou le suicide : l’écriture, telle une mère ou une alliée salvatrice, alors qu’il était enfermé et torturé  dans une prison uruguayenne, condamné par le régime militaire. Pourtant, une fois libre, elle devient un autre enfermement, l’acte d’écrire s’impose en dressant ses murs. Tourmenté et constamment dans le doute, il exprime le tiraillement entre l’écrivain et le vivant, l’être solitaire et l’être social. Il est porté par une force qui le pousse tant de cesser d’écrire, parce qu’ « écrire, c’est chercher ce qu’on ne trouvera pas », que de persévérer, parce que c’est le seul sens qu’il donne à sa vie. Dédoublé, en quête d’absolu, habillé de paradoxes, le personnage est saisissant, sa lucidité aussi.

« L’écrivain et l’autre » Carlos Liscano Ed. Belfond 204 pages

Le goût de la pellicule

« Qu’est-ce que le télépathe doit faire du butin qu’il rapporte de ses cambriolages intimes ? ». Dans ce court récit nébuleux, l’effraction domine. Les personnages, victimes ou cambrioleurs sans le vouloir, agissent par effraction. L’un, déniche aux Puces un film super 8 et entre ainsi dans la vie d’une famille bourgeoise ; le père, sans doute le filmeur, fragmente en images l’enfance d’Aurore, sa fille, accompagnée d’une mère pétris de lassitude. Le narrateur met en parallèle la vie d’Aurore et d’A., une jeune fille encombrée par son pouvoir de lire dans les pensées d’autrui. Leurs tourmentes et leurs vagues moments de bonheur se confondent. On baigne en eaux troubles. Le destin des personnages s’entrecroise, des récits de rêves s’immiscent entre les épisodes de leur existence, ajoutant du mystère ou un éclaircissement.

Avant tout critique de cinéma et philosophe, Hélène Frappat nous entraine ici dans un voyage onirique et troublant. Ce roman  nous offre aussi un flot d’interprétations. C’est un plaisir.

« Par effraction » Hélène Frappat Ed. Allia 128 pages

Le goût de l’improbable

La vie de Maurice semble comblée d’un vide immense. L’auteur ne l’épargne pas, « Maurice sera mis en terre en ayant passé sa vie à lutter contre la poussière ». Il tente de faire face, « il veut faire l’expérience de l’autre vie, de la vraie, qui se déroule dehors, devant sa porte ». Solitaire, il investit des lieux, ceux d’un quartier nord de Berlin, et des personnages, comme s’il voulait, au fond, s’en détacher. Cet homme, auquel le lecteur risque de bien vite s’attacher, est fait de paradoxes et de contrastes, reflet de ses errances désœuvrées et obstinées. Maurice gravit la vie, recule et avance, tantôt ambitieux, tantôt indisposé. Une musique derrière les murs de son bureau le hante, il devient un « vampire auriculaire » ; localiser le musicien devient son souhait le plus cher, telle une quête vers un improbable bonheur, enfoui dans les dédales de l’humanité. Matthias Zschokke jongle habilement avec la gravité et la légèreté, la douleur et la douceur, et dépeint avec intelligence la singularité de son personnage. Une écriture synonyme de liberté, et un talent qui lui a valu le prix Fémina 2009.

« Maurice à la poule » Matthias Zschokke Ed. Zoé 272 pages

Le goût des livres

Gloutonne, Mademoiselle Tamara dévore les livres. Cela frise l’obsession, comme celle de se préparer un plateau de fruits minutieusement choisis, qu’elle savoure pendant ses lectures. Sachez, chers lecteurs, avoir un grand appétit littéraire n’est pas sans dangers ! Quelque peu effrontée et curieuse, la jeune femme est amenée à faire d’étranges rencontres et à vivre des évènements troublants, elle devient l’otage de sa passion. Elle y risque sa vue, un certain Marko la prévient : « c’est un livre qui ne permet pas qu’on le lise, il rend aveugles ceux qui s’y essaient. », un autre ouvrage l’entraîne dans un jeu de pistes, un autre encore la tourmente lorsqu’elle constate que les lettres se dérobent au fur et à mesure qu’elle tourne les pages. Son appétence livresque la sauve d’une certaine solitude, elle espère sans doute trouver un amour à la mesure de celui qu’elle éprouve pour les livres.

« La bouquineuse » de Zoran Zivkovic est le premier roman de ses dix-huit autres à paraître en français. Vous apprécierez le charme, la gourmandise et les teintes fantastiques dans cet éloge à la lecture.

« La bouquineuse » Zoran Zivkovic Ed. Xenia 121 pages

Le goût des souvenirs

Ce livre est comme une petite boîte dans laquelle sont préservés des souvenirs, comme une cachette dans laquelle on aime se retrouver. Se retrouver soi, un instant. C’est le récit d’une femme, allongée dans l’herbe, un jour d’été. Elle s’abandonne entièrement, elle accueille les rêveries, les souvenirs viennent par douces vagues et l’enlacent. Les émotions du passé la happent, les odeurs, les couleurs, elle les revit, leur donne vie et sens. Le monde prend soudain une autre dimension. Le visage de sa mère apparaît, « Contempler le visage de ma mère, encore et encore. Le garder au-dessus de moi. Mais il s’efface. ». Elle plonge, s’engouffre, mais c’est doux et bon, « Depuis combien de temps n’avais-je plus été bercée ? ». Immobile, elle entreprend un voyage aux allures mystiques. On croit qu’elle va se perdre, s’effondrer, mais au contraire, elle rebondit. Ce texte court, de Laurence Tardieu, qui a déjà publié deux romans, est rond, poétique et magnifiquement écrit. Elle réussit à éveiller en nous des sensations proches de celles de la narratrice.

« A l’abandon » Laurence Tardieu Ed. Naïve 44 pages

Publicité
Publicité
Commentaires
Lou comme Lou
Publicité
Lou comme Lou
Derniers commentaires
Albums Photos
Publicité